TIFFANY CHERIX
Lonely Stars
Les photos de Robert Frank lors de sa rétrospective pour les 50 ans des « Américains », à Paris, ont été le déclencheur de mon projet. Je les ai revues à San Francisco par hasard. Je me suis alors plongée dans les archives de ce photographe. Dans son travail. Ses photos me touchaient déjà. Sa vie encore plus. Son univers englobait mes goûts littéraires, cinématographiques, mes besoins d’ailleurs, ma curiosité. Un suisse parti aux Etats-unis pour développer son art en allant à la rencontre d’un autre monde...
Voilà ce que je voulais faire ! Son travail et son trajet allaient me servir de guide, de garde-fou.Je décide donc de partir comme lui en 1957, matériel de base, simple, discret. Il avait un Leica gIII et le livre de Walker Evans dans son sac. Une Ford coupée et la route. Je prends un Leica M2, un canonG10, son livre et une Chrysler Imprenia gracieusement prêtée par un ami canadien. Puis la route et le parcours de Robert Frank...
Quatre-vingts dix villes différentes. Vingt-cinq mille kilomètres. Des tonnes de motels à trente dollars et des rencontres. A aucun moment je ne veux reproduire ses clichés. Je cherche à voir, à apprendre les Américains. Ces clichés sont mon Amérique, mes américains.
A la fin de mon voyage, à New York, je gare la voiture, sonne à sa porte. Il m’ouvre. Je lui raconte mon voyage. Nous nous voyons tous les jours pendant une semaine, chez lui. Il regarde mes photos, me donne des conseils... Photographier, photographier, photographier. Nous restons en contact.
«Lonely Stars» fait référence aux étoiles du drapeau américain, bien évidemment, ainsi qu’aux astres. Ils forment un ensemble. Mais, lorsqu’on se penche sur un en particulier, tout un monde s’ouvre. Coupé, isolé du reste. En soi. « Lonely » vient de la distance entre les choses, les sujets, les villes. Mais pas seulement, c’est aussi l’isolement de la liberté, la non-conscience de l’autre et de l’autour. C’est aussi, plus personnellement, partir vers, mais seule. Et encore les rencontres, ces gens, isolés quelque part dans la masse ou dans l’étendue. Lonely Stars rappelle aussi les vedettes déchues. Chacun porte en lui un fantasme de l’Amérique, que ce soit géographiquement, culturellement, économiquement. L’Amérique est la première puissance mondiale, sur le déclin. L’Amérique est pour moi une star déchue. Il y a quelque chose de las, désuet, fatigué, nostalgique, hors du temps. Des fantômes qu’on frôle. Le fantôme de cet homme venu dans ces villes il y a cinquante ans. Le fantôme d’un temps révolu et pourtant sous mes yeux... Les conquêtes sont passées, les victoires aussi. Personne ne semble en avoir conscience, il reste une forme de naïveté, pas d’aigreur. Dans leur isolement, sans conscience du monde, ces étoiles continuent à briller. Malgré tout.
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